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"Souvenirs d'octobre" - 3 -

Les 13, 20 et 27 octobre 1968 : le marathon BMW…

L’Allemagne, la France et l’Italie : en trois semaines, c’est le périple que Jo Siffert va « s’infliger » pour honorer ses engagements pris avec l’usine BMW en F2. Nous sommes à la mi-octobre 1968 et Siffert s’apprête ainsi à enchaîner les rendez-vous de Hockenheim, d’Albi et de Rome/Vallelunga.

Malgré sa victoire acquise quelques semaines plus tôt à Brands Hatch dans le GP d’Angleterre qui l’a définitivement élevé au rang de star du sport automobile mondial, il s’attelle avec humilité et application à ces tâches plutôt obscures, la F2 étant une discipline réservée en priorité aux jeunes « pousses » qui fait office de tremplin vers l’univers des GP. Sans parler que la mise au point de sa monture est une source de préoccupations. En effet, son châssis (T102) livré depuis l’Angleterre par l’usine Lola exige encore bien des ajustements de même que les réglages particulièrement pointus du moteur Apfelbeck 1,6 litres quatre cylindres (et ses huit trompettes d’admission…) développé par les ingénieurs de Munich.

La Formule 2 prend alors du galon : dès 1967, elle est devenue un championnat d’Europe officiel, reconnu, mélangeant, on vient de le souligner, certains ténors de la F1 et les espoirs issus de la F3 piaffant tous d’impatience d’accéder via cette discipline au monde des GP. En fait, seuls ces derniers peuvent y comptabiliser des points et viser le titre alors que les cadors sont là pour jouer les têtes d’affiche et bien sûr, dont Siffert le touche-à-tout-boulimique, pour assouvir leur passion pour la compétition et si possible y étoffer leur carte de visite. Pour la plupart des épreuves du calendrier mises sur pied sur le Continent, il s’agit de disputer deux manches séparées avec addition des temps pour l’établissement du classement final.

A l’époque, ce sont surtout des Matra (Beltoise, Pescarolo, Stewart), des Ferrari (Ickx, E. Brambilla, Redman, De Adamich), des Brabham (Rindt, Bell, Courage), des Tecno (Regazzoni, Moser) et des Lotus (Clark, Oliver, Hill) qui en sont les principales protagonistes, pour la plupart motorisées par des Ford-Cosworth FVA 1600 cm3 ; mais BMW est bien déterminé à bousculer cette hiérarchie. Après quelques furtives apparitions en 1967 (cinq présences de Siffert avec une 9ème place à Rome comme seul résultat potable ; son succès aux Rangiers, sur quatre minutes d’efforts en côte, constituant une parenthèse spéciale) et une diète qui s’est éternisée jusqu’à la fin de l’été suivant, l’usine allemande revient à la charge en ne prenant le train en marche qu’en…automne avec précisément ces trois courses d’affilée. Siffert en est le leader et son camarade d’écurie est l’Allemand Hubert Hahne (1935-2019).

Le 13 octobre 1968, pour Hockenheim et son circuit encore dépourvu de chicanes, le Fribourgeois dispose aux essais d’une monture munie de deux réservoirs latéraux cossus qui étonne la concurrence et les observateurs. Pour la course, il revient à une configuration plus classique mais ne va pas y faire long feu (abandon suite à une sortie de route). Ses qualifications (4ème) ont pourtant démontré le potentiel intéressant de son « attelage ».

Une semaine plus tard, à Albi dans le Tarn, il va d’ailleurs le confirmer en se classant au 4ème rang final (au terme des 85 tours disputés d’une traite, ce coup-ci) derrière Henri Pescarolo, Peter Gethin et Piers Courage. Cette fois, contrairement à Hockenheim, Siffert a roulé avec pour appendice majeur un aileron arrière plutôt haut perché, preuve que chez BMW, on continue l’apprentissage de la discipline et on tâtonne un peu…

Le 27 enfin, à une trentaine de kilomètres au nord de la ville éternelle, sur le tracé de Vallelunga, c’est la pompe à essence qui va lui jouer des tours. Là aussi, ses essais ont été prometteurs (6ème) ; mais à chacune des manches de course, il a souffert des mêmes maux et a dû renoncer. L’apprentissage continue…

Siffert ne prendra pas ces trois expériences au tragique. Il a eu tout loisir de jauger les possibilités du châssis Lola ; et surtout, il est désormais convaincu que l’équipe technique de Munich emmenée par l’ingénieur Paul Rosche sera bientôt en mesure de lui fournir un matériel de meilleur niveau. Capable de viser régulièrement des podiums. Ses saisons 1969 (pole-position et 2ème sur le Nürburgring lors de l’Eifelrennen) et surtout 1970 (victoire à Rouen puis 2ème à Enna) durant lesquelles l’implication de l’usine s’opérera crescendo (en s’étendant à la conception et à la construction de ses propres châssis dessinés par le Britannique Len Terry et baptisés 269 puis 270) le prouveront et tomberont à pic. Pour garnir davantage encore son palmarès en plus de celui déjà décroché en F1 et en endurance…